Systémique et agilité
Ayant reçu récemment une formation sur l’approche systémique de Palo Alto, je me suis dit que c’était l’occasion idéale de vous présenter l’approche à travers un article et de voir comment nous pouvons l’appliquer dans les équipes agiles.
J’ai découvert la systémique lors de ma formation de coaching en 2018. Depuis j’ai lu quelques livres sur le sujet (Jacques-Antoine Malarewicz et Françoise Kourilsky) mais je ne suis pas allé plus loin dans sa mise en œuvre.
L’approche systémique de Palo Alto a été fondée par Gregory Bateson avec la collaboration de Don D. Jackson, John Weakland, Jay Haley et William Fry.
Avant de présenter l’approche, nous allons tout d’abord nous intéresser à la définition d’un système. Selon Edgar Morin, auteur du livre “Introduction à la pensée complexe”, un système est une “unité globale organisée d’interrelations entre éléments, actions ou individus”. Les organisations, entreprises et collectivités sont donc considérées comme des systèmes ouverts car ils communiquent avec leur environnement.
L’approche systémique définit trois principes :
- Le principe de totalité : le tout est plus que la somme de ses parties.
- Le principe d’homéostasie : tout système tend à réduire les variations qu’il connaît et à les maintenir entre des limites acceptables.
- Le principe d’équifinalité : La structure actuelle des interactions d’un système explique mieux son fonctionnement que l’histoire du système.
La systémique s’intéresse plus aux interactions entre les individus qu’aux individus eux-mêmes. L’interaction est donc vue ici dans sa globalité et pour cette raison, on préfère parler de causalité circulaire que causalité linéaire.
Ici, on ne recherche pas de “coupable” comme nous pouvons rencontrer dans de nombreuses organisations mais plus les mécaniques en jeu qui nous permettent d’obtenir de précieuses informations sur ces systèmes organisationnels.
En tant qu’acteur du changement, nous rencontrons régulièrement des résistances dans notre quotidien et le principe d’homéostasie nous éclaire justement sur leur fonctionnement. Ce dernier met en lumière les régulations permanentes qui interviennent lorsqu’un facteur interne ou externe agit sur le système. Ces régulations sont des actions en retour de ces mêmes facteurs, il en existe deux types :
- La rétroaction négative : elle annule l’action d’un ou plusieurs facteurs modifiant l’équilibre du système.
- La rétroaction positive : elle amplifie les perturbations engendrées par un ou plusieurs facteurs.
L’approche systémique, en tant que théorie de la communication, admet les cinq axiomes suivants :
- On ne peut pas ne pas communiquer.
- Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation.
- La nature de la relation dépend de la ponctuation des séquences de communication.
- Les êtres humains communiquent de façon digitale et analogique.
- Toute interaction est symétrique ou complémentaire.
La communication est au cœur des équipes agiles, qu’elles soient agiles ou pas, et sans une “bonne” communication, une équipe ne peut réussir. Si je prends l’exemple de l’équipe que j’accompagne en tant que Scrum Master, la communication a été mise à mal avec le télétravail. C’est d’ailleurs un sujet qui revient souvent lors de nos rétrospectives d’équipes.
Ces cinq axiomes sont une grille de lecture pertinente pour comprendre les modes de communication dans nos équipes et identifier d’éventuels problèmes.
Dans notre rôle de Scrum Master, nous sommes souvent confrontés à des situations où nous tentons d’identifier avec nos équipes, des solutions aux problèmes qui nuisent à la bonne performance de l’équipe. D’ailleurs certains problèmes sont même récurrents malgré les solutions mises en œuvre. Paul Watzlawick nous dit : “Toujours plus de la même chose donne toujours plus du même résultat”. Cette phrase simple au premier abord, est d’une incroyable puissance. Elle est même devenue pour moi, un outil d’aide à la décision. En analysant ces tentatives de solution, je me suis rendu compte que nous étions en train de répéter toujours les mêmes solutions. Toujours un peu plus de la même chose.
La systémique se définit comme une approche de résolution de problèmes et propose la grille suivante pour y parvenir :
- Identifier les situations insatisfaisantes
- Qui… fait quoi à qui ?
- En quoi est-ce un problème pour lui ?
- Pourquoi maintenant ?
- Identifier les tentatives de solutions infructueuses
- Quelles solutions infructueuses ont été tentées jusqu’à maintenant ?
- Quel est le thème de ces tentatives ?
- Quel est le message véhiculé par les tentatives de solution ?
- Pour vous aider à identifier le thème des tentatives de solution, vous pouvez utiliser le format suivant : “Tu peux et tu dois… “.
- Prenons l’exemple d’un manager qui contrôle en permanence le travail d’un collaborateur. Le thème des tentatives de solutions du collaborateur vis-à-vis de son manager pourrait être : “Mon manager peut et doit arrêter de me contrôler.”
- Identifier le thème de résolution (à faire par l’accompagnant)
- Le thème de résolution sera le contraire des tentatives solutions tentées jusqu’à maintenant afin de faire un 180° sur les solutions à mettre en œuvre
- Pour vous aider à identifier le thème de résolution, vous pouvez utiliser le format suivant : “Tu ne peux et tu ne dois pas… “.
- Notre exemple de l’étape précédente devient donc : “Mon manager ne peut et ne doit pas arrêter de me contrôler.”
- Définir la stratégie à mettre en place autour du thème de résolution
- La systémique étant prescriptive dans son approche, ce travail est fait par l’accompagnant.
- Dans notre exemple précédent, l’accompagnant pourrait demander au collaborateur de soumettre à son manager tous ses rapports afin qu’il les valide.
Comme indiqué au début de cet article, l’homéostasie est un mécanisme de régulation d’un système afin de lui permettre de revenir à son état d’équilibre lorsqu’un changement y est introduit. La systémique identifie deux types de changement :
- Changement de type 1 : permet au système à maintenir son état d’équilibre.
- Changement de type 2 : modifie un ou plusieurs éléments du système.
Nous, acteurs du changement, devons viser un changement de type 2 dans nos interventions. Si les règles de régulation du système ne sont pas modifiées alors le système ne peut évoluer et donc, il ne peut y avoir de changement.
Notre rôle d’accompagnant est d’aider les équipes à adopter un point de vue différent sur la situation problématique afin d’ouvrir le champ de possibles et expérimenter des solutions jamais mises en œuvre jusqu’à présent.